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Le poids des choses

Joe, un surfer enthousiaste, se joint à notre table, au café du port. Il nous confie qu’il est en train d’aider sa belle-mère a vider le sous-sol de sa maison, qui déborde des collections de son défunt mari : jouets, bouteilles de bière, timbres, National Geographic, bref, plus ou moins tout ce qui se collectionne. Ce processus épuisant les oblige à envoyer les collections en Grande-Bretagne pour être vendues aux enchères, car il ne croit pouvoir trouver personne en Nouvelle-Zélande qui puisse acheter autant d’objets. Il nous dit ensuite que lorsque sa première femme est décédée, il ne s’est senti capable de reprendre sa vie que le jour où il s’est libéré de tout ce qu’ils avaient en commun. Il a rencontré sa seconde femme récemment et ils se retrouvent avec le double de tout : ils ont même en commun une dizaine de vélos. Il conclut donc simplement et philosophiquement : too much stuff, too much food, too much booze (trop de choses, trop de nourriture, trop d’alcool). Il résume assez bien le sentiment qui m’envahit de plus en plus souvent lorsque je vais dans les grandes villes (mais pas que) et que je me retrouve dans un centre commercial ou autre coin bondé de commerces. Je suis d’abord ravie par la nouveauté, mais je me sens ensuite rapidement accablée par le poids des choses, l’abondance de la nourriture, bref, le nombre de choses qui nous sollicitent constamment. Ensuite, je revois tous les trucs vendus en magasin dans les « charity shops » et je me dis que je n’aurais aucun mal à meubler toute une maison avec ce que j’y trouve, mais, surtout, que la terre pourrait faire une pause d’une dizaine d’années pour se libérer du surplus que nous semblons avoir accumulé. Acheter quoi que ce soit est par conséquent devenu pour moi un processus de réflexion de plus en plus compliqué. Grâce à Joe, je me sens un peu moins seule.

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