Sainte-Anne, Guadeloupe, novembre 2017, canon digital, ©Sylvie G
A Sainte-Anne, la plage est belle et il fait très chaud. On passe donc beaucoup de temps sous les cocotiers, entre deux baignades et le passe-temps de rigueur consiste à regarder les gens passer. Il me faut du temps avant de me rendre compte que le type qui « fait sécher » son pareo montre en fait aux touristes les différents motifs qu’il a en « magasin », c’est-a-dire dans un grand panier. La jeune femme qui passe avec un bikini différent toutes les cinq minutes fait partie de l’Association des vendeurs de plage de Sainte-Anne. Il y a en outre le vendeur de beignets, la vendeuse de tourments d’amour, le vendeur de bijoux, le vendeur de maillots de bain pour hommes, la vendeuse de café et de thé à la menthe. Je les regarde, dubitative, en me disant qu’il s’agit là d’un travail bien agréable, consistant à se promener tout le jour sur la plage. Mais après quelque temps, je me rends compte qu’il s’agit d’un boulot plutôt difficile : les vendeurs marchent toute la journée, pieds nus, dans le sable chaud. Le soleil leur tape sur la tête, les paniers sont lourds et les revenus, sans doute minces. Le vendeur de beignets est le préféré des enfants. Il s’arrête pour bavarder avec eux ainsi que leurs parents ou les gens qu’il connait. Il passe et repasse jusqu’au coucher du soleil. Mais ce sont les vendeuses de maillot de bain qui m’impressionnent le plus. Elles arrivent à convaincre les femmes sur la plage d’acheter un bikini, un maillot ou une sorte de jupe pouvant se transformer en une dizaine de tenues. J’observe celle qui semble la plus convaincante. Elle négocie avec une femme portant un maillot noir ; elle enfile un, deux ou trois maillots les uns par-dessus les autres en expliquant à chaque fois à grands renforts de gestes les miracles que le maillot fera pour la silhouette de la dame. La dame n’aime pas l’imprime du premier (je suis d’accord). Puis la vendeuse lui montre un rectangle de tissu qui peut se transformer en toutes sortes de tenues visant à cacher ce que la dame ne veut pas montrer. Elle lui montre un imprimé plus flatteur et convainc la dame de l’essayer (par-dessus son propre maillot), mais il est trop petit et la vendeuse court quelque part pour aller chercher une taille plus grande. Puis un autre morceau de tissu, qui sert encore une fois à flatter la silhouette. Apres une heure d’effort, la dame achète un maillot et un petit bout de tissu. Je croyais que ces trucs se vendaient une vingtaine d’euros mais j’apprends que ces deux morceaux doivent totaliser une centaine d’euros, ce qui me semble très cher pour ces petits bouts de tissu, mais il me semble tout de même que la vendeuse a beaucoup travaillé pour arriver à ce résultat (les vendeurs de maillots pour homme ont tout de même la tâche plus facile, les seules questions étant la taille et la couleur). Un peu plus tard, j’apprends en bavardant avec Alexandra (parfois taxi, parfois sur le marché, ancienne trapéziste et GO au club Med) que ces vendeurs ont formé une association pour lutter contre les tentatives du Club Med de les bannir de la plage Caravelle (parce que les vendeurs font diminuer les profits de leurs propres boutiques). Ils sont allés en Cour pour défendre leur cause et ont gagné. Il s’agit d’un travail très difficile (notamment pour la peau), mais on arrive à gagner sa vie (Alexandra l’a elle-même fait pendant deux ans). Un travail tout de même beaucoup plus difficile que de passer l’après-midi sous un cocotier.
Bel hommage à tous ces vendeurs dont le travail est loin d’être un farniente !
… et donnent l’impression que c’est facile !