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#3050 ce que j’ai lu (Ernest Hemingway)

photo : Santa Teresa Gallura

Ernest Hemingway. Pour qui sonne le glas (1940). Il existe déjà beaucoup de  critiques savantes sur ce livre d’Hemingway, considéré par certains, comme le meilleur, fortement inspiré de son travail de journaliste pendant la guerre civile espagnole, dont il recrée l’atmosphère avec beaucoup de conviction. Je me contenterai de partager mes impressions sur Robert Jordan,  professeur d’université américain, engagé dans les Brigades internationales, qui a pour mission de faire sauter un pont. On le suit pendant trois jours, alors qu’il se joint à un groupe de partisans antifascistes pour préparer son offensive, tombe amoureux de Maria et ne survit pas à l’attaque.

J’ai mis beaucoup de temps à finir ce livre, dont je n’arrivais à lire que quelques pages à la fois, probablement en raison de sa densité.  J’étais curieuse du style dit « iceberg » d’Hemingway, voulant que l’auteur ne mentionne qu’une petite partie de la vie de ses personnages, qu’il doit cependant, toujours selon Hemingway, connaître à fond. Des conseils d’Hemingway, je retiens que la qualité d’un livre vient de la capacité de son auteur à en couper de longs passages, ce qu’il n’a pas hésité à faire et ce, me semble-t-il avec succès. J’ai l’impression de connaître Robert Jordan, Maria et les autres, même si l’auteur ne nous présente que certains aspects des personnages. Je ne me suis pas demandé, comme cela m’est arrivé assez souvent dans mes lectures récentes,  pourquoi l’éditeur n’avait pas suggéré de couper certains passages (doit-on aujourd’hui avoir assez de pages pour son argent ? C’est ce que je me demande). J’y ai malgré tout trouvé beaucoup d’humanité, d’amour, de souffrance, de douleur, de violence, des réflexions sur la valeur de la vie et de la mort,  des questions profondes qui m’ont beaucoup touchée.  Evidemment, il y aura sûrement quelqu’un, quelque part,  qui trouvera, tôt ou tard, que ce livre est trop ceci ou pas assez cela, qu’il ne reflète pas notre époque, parce que les mots ou l’histoire ne conviennent plus à notre manière de penser, ce à quoi je répondrai que là repose l’intérêt du livre, car il nous permet de faire le portrait d’une époque, à laquelle on peut se comparer pour mesurer le chemin parcouru, l’évolution des valeurs et quoi encore.  Les mots, les histoires qui ont été écrites à une époque, reflètent la mentalité de l’époque et c’est tout. Il n’y a rien à ajouter ou à retirer et changer une histoire pour plaire au lectorat d’aujourd’hui, ainsi que certains éditeurs l’ont fait récemment, me semble inacceptable.

autoportrait (8)*

Meta, 2016, Sylvie GE

Je n’ai lu aucun roman pendant de nombreuses années, je n’y trouvais rien de ce que j’y cherchais, puis un jour, après avoir lu une critique dans un quotidien, je suis allée à la bibliothèque pour emprunter Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline, et j’ai changé d’avis.

*inspiré d’Autoportrait, d’Edouard Levé


 

Impressions de lecture : Virginie Despentes

Vernon Subutex (Virginie Despentes)Je ne lis pas beaucoup depuis plusieurs mois, car je suis en train de terminer Le Pays gris, mon roman sur la langue et l’identité et le temps me manque, mais j’avais envie de revenir sur un livre (en fait deux) de Virginie Despentes, que j’ai lu l’automne dernier.

Virginie Despentes a fait ses débuts d’écrivaine  avec Baise-moi, un livre que je n’ai pas lu mais dont j’ai vu la version au cinéma, à Christchurch, au Festival du film, il y a de nombreuses années (mais je suis sortie avant la fin). Ce livre raconte l’histoire d’une jeune fille violée par trois hommes et sa vengeance (surtout). Virginie Despentes elle-même a été victime de viol dans sa jeunesse (mais au lieu de se sentir victime, elle a plutôt ressenti de la colère). Elle s’est prostituée pendant quelque temps, fait de la critique de films pornos et s’identifie comme lesbienne et féministe.

Vernon Subutex (attention, il y a des éléments de l’histoire dans cette critique) est sorti en 2015 (traduit en anglais) et fait partie d’une trilogie. J’ai lu le premier tome en anglais (une bonne traduction me semble-t-il)  et le second en français.  Il s’agit de l’histoire d’un disquaire qui  devient SDF  (tome 1) puis guru (plus ou moins, dans le tome 2), ainsi que des gens qui l’entourent. J’ai eu envie de lire le premier tome de Vernon Subutex, parce qu’on en parlait beaucoup et que Virginie Despentes polarise en France.

Dans les critiques françaises qui ont aimé, on souligne  son style (qu’on compare parfois à celui de Balzac) et l’authenticité des voix. Je suis assez d’accord avec ces critiques. J’ai plutôt  aimé la lecture du premier tome. Le rythme est vif et les personnages convaincants (sauf le délire final de Vernon Subutex). J’ai suffisamment aimé pour poursuivre avec la lecture du deuxième tome, où la densité se perd, les personnages sont moins convaincants, l’histoire traîne. L’épisode de la jeune fille qui « tatoue » celui qu’elle croit être responsable de la mort de sa mère ressemble un peu trop à la scène de The Girl with a golden tatoo pour me convaincre. Ceux qui n’ont pas aimé trouvait le fil de l’histoire un peu mince (je suis assez d’accord avec eux, mais là n’était pas la cible de Despentes, je crois) et n’aimaient pas  les personnages  animés par la haine et les luttes de pouvoir (et je suis assez d’accord avec eux également), ce qui est vrai mais correspond sans doute à une certaine humanité, sans doute loin d’être idéale mais peut-être davantage réaliste.  Les critiques de langue anglaise ont aimé  davantage,  peut-être parce  que pour une fois, on leur présente  autre chose que l’intelligentsia parisienne et une  France, qui correspond peut-être davantage à celle qu’ils connaissent . Et c’est peut-etre pour la même raison qu’une certaine intelligentsia parisienne n’a pas aimé le livre de Despentes. Peut-être aussi parce qu’elle y dépeint  des êtres humains plutôt ordinaires, du point de vue du caractère,  qui nous ressemblent peut-être un peu trop. Ce n’est sans doute pas le livre à lire pour ceux qui ont besoin de retrouver confiance dans l’humanité.  Le Irish Times a particulièrement aimé Vernon Subutex 1 et va même jusqu’à affirmer que Despentes  laisse Houellebecq loin derrière elle, ce qui est tout de même quelque chose, étant donné le prestige international de cet auteur.  Quant à moi, le  second tome m’a suffisamment déçue pour ne pas me donner envie de lire le troisième tout de suite, mais j´y reviendrai peut-être un jour ou l´autre.