Archives de catégorie : Impression de lecture

#4022 Ce que j’ai lu : Deborah Levy

Mais d’abord quelques livres dont je n’ai pas trouvé de traduction en français

David Lodge : Paradise News (1991), acheté à la foire du livre d’occasion de Nelson de l’an dernier. La quatrième de couverture nous présente le livre  une réflexion sur la notion de paradis, une description qui est assez juste. Je connais l’auteur  pour ses livres sur le monde universitaire et il me fait toujours rire ou sourire. Même dans ce livre qui se passe à des lieues du monde universitaire (Hawaï, en l’occurrence), il réussit à infiltrer un universitaire qui réfléchit au tourisme de masse et à ses maux. J’ai aimé le livre même si la dernière partie se perd un peu.

Isabelle Allende : Violeta (2022), offert LG. Un livre qui examine la vie d’une centenaire, Violeta Del Valle, née en 1920. Elle commence avec la description de la grippe espagnole et l’on se demande vraiment si l’on est en 1920 ou en 2020. Elle guide ensuite le lecteur dans les méandres de l’histoire d’une femme, de ses émotions et de son pays, la richesse, la pauvreté, la perte d’êtres chers et l’amour. J’ai aimé le livre, mais maintenant je ne sais plus si j’ai envie d’en lire d’autres. Pas pour le moment.

John Banville : The lock-up (2023), offert par LG. Ce livre fait partie de la série du détective Benjamin Black, que Banville a d’abord écrit sous un nom de plume, avant de revenir à son propre nom. J’avais lu April in Spain (le précédent, publié en 2021), mais son plus récent est plus réussi à mon avis. Pour les amateurs d’histoires de détective assaisonnées de ce que Banville a de mieux à offrir.

Quant au livre de Deborah Levy, Ce que je ne veux pas savoir, 2018 (emprunté à la bibliothèque de Nelson, maintenant ouverte à 70%!) il s’agit du premier tome d’une trilogie autobiographique de l’auteure originaire d’Afrique du Sud vivant en Grande-Bretagne depuis l’âge de neuf ans. Elle a écrit ce livre pour répondre à la question de savoir pourquoi elle écrit. C’est lors d’un voyage à Mallorca qu’elle se penche sur  la réponse à cette question. Aussitôt arrivée, elle se souvient  de son enfance en Afrique du Sud, de son père emprisonné pendant trois ans parce qu’il appuyait l’ANC ayant forcé la famille à émigrer en Grande-Bretagne à sa sortie de prison, parce qu’il ne pouvait plus y travailler.  Elle parle également de sa jeunesse en Grande-Bretagne.J’ai pris plus de plaisir à sa très belle écriture lorsqu’elle s’éloigne de son histoire proprement dite,  mais le début et la fin sont particulièrement puissants et  j’ai toujours envie de lire les deux livres suivants de la trilogie et peut-être aussi quelques-uns de ses ouvrages de fiction. Une  phrase  m’a profondément émue : « la façon dont nous sommes programmés pour  nous tuer nous-mêmes », beaucoup plus puissante en anglais : « The way we are wired tu kill. Ourselves ».  Son traducteur a peut-être trouvé une formule géniale pour provoquer le même impact en français, quant à moi je n’y suis pas arrivé

#3050 ce que j’ai lu (Ernest Hemingway)

photo : Santa Teresa Gallura

Ernest Hemingway. Pour qui sonne le glas (1940). Il existe déjà beaucoup de  critiques savantes sur ce livre d’Hemingway, considéré par certains, comme le meilleur, fortement inspiré de son travail de journaliste pendant la guerre civile espagnole, dont il recrée l’atmosphère avec beaucoup de conviction. Je me contenterai de partager mes impressions sur Robert Jordan,  professeur d’université américain, engagé dans les Brigades internationales, qui a pour mission de faire sauter un pont. On le suit pendant trois jours, alors qu’il se joint à un groupe de partisans antifascistes pour préparer son offensive, tombe amoureux de Maria et ne survit pas à l’attaque.

J’ai mis beaucoup de temps à finir ce livre, dont je n’arrivais à lire que quelques pages à la fois, probablement en raison de sa densité.  J’étais curieuse du style dit « iceberg » d’Hemingway, voulant que l’auteur ne mentionne qu’une petite partie de la vie de ses personnages, qu’il doit cependant, toujours selon Hemingway, connaître à fond. Des conseils d’Hemingway, je retiens que la qualité d’un livre vient de la capacité de son auteur à en couper de longs passages, ce qu’il n’a pas hésité à faire et ce, me semble-t-il avec succès. J’ai l’impression de connaître Robert Jordan, Maria et les autres, même si l’auteur ne nous présente que certains aspects des personnages. Je ne me suis pas demandé, comme cela m’est arrivé assez souvent dans mes lectures récentes,  pourquoi l’éditeur n’avait pas suggéré de couper certains passages (doit-on aujourd’hui avoir assez de pages pour son argent ? C’est ce que je me demande). J’y ai malgré tout trouvé beaucoup d’humanité, d’amour, de souffrance, de douleur, de violence, des réflexions sur la valeur de la vie et de la mort,  des questions profondes qui m’ont beaucoup touchée.  Evidemment, il y aura sûrement quelqu’un, quelque part,  qui trouvera, tôt ou tard, que ce livre est trop ceci ou pas assez cela, qu’il ne reflète pas notre époque, parce que les mots ou l’histoire ne conviennent plus à notre manière de penser, ce à quoi je répondrai que là repose l’intérêt du livre, car il nous permet de faire le portrait d’une époque, à laquelle on peut se comparer pour mesurer le chemin parcouru, l’évolution des valeurs et quoi encore.  Les mots, les histoires qui ont été écrites à une époque, reflètent la mentalité de l’époque et c’est tout. Il n’y a rien à ajouter ou à retirer et changer une histoire pour plaire au lectorat d’aujourd’hui, ainsi que certains éditeurs l’ont fait récemment, me semble inacceptable.

Ce que j’ai lu en vrac, Ishiguro, de Vigan, Mazzeo

Ce que j’ai lu en vrac, Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature (2017)  ainsi que du Booker (1989) pour Les vestiges du jour, que j’ai lu il y a quelques années et qui m’avait beaucoup impressionné. Lorsque j’ai vu Nocturnes (2011), au marché du livre d’occasion de Nelson, je me suis dit que j’aimerais peut-etre, même s’il s’agissait de cinq nouvelles, un genre que je n’apprécie habituellement pas beaucoup. Et ce qui m’avait emballé dans Les Vestiges du jour, la subtilité du propos, la délicatesse de l’écriture, m’a terriblement ennuyé dans ses nouvelles ayant pour thème commun la musique, une sorte de subtilité d’écriture sans profondeur, mais c’est peut-être tout simplement que je n’aime pas les nouvelles. Le critique du Sunday Times a en fait bien résumé ma pensée :

« Closing the book, it’s hard to recall much more than an atmosphere or an air; a few bars of music, half-heard, technically accomplished, quickly forgotten.

Peut-être que c’est ce qu’il a aimé du livre, alors que moi, c’est ce qui m’a ennuyée.

Delphine de Vigan. Rien ne s’oppose à la nuit (2011). Je suis  en retard sur les nouveautés, mais il coûte trop cher de faire venir des livres en français en Nouvelle-Zélande et je ne peux non plus me fier à Kindle ou à d’autres plateformes électroniques, qui ne permettent pas d’acheter des livres venant d’autres pays (je ne comprends pas du tout pourquoi). Je suis assez contente malgré tout d’avoir trouvé cinq ou six livres en français au marché du livres d’occasion de Nelson, dont celui-ci, d’une autrice dont j’avais déjà lu D’après une histoire vraie (2017), une sorte d’autofiction dont j’avais parlé dans le blog. Dans Rien ne s’oppose à la nuit, elle se penche sur la vie de sa mère, qui a souffert de maladie mentale, du silence de la famille, de son effet sur elle-meme et sa sœur, d’une manière authentique, où l’on sent toujours la tendresse. Beaucoup de questions, quelques réponses, bref, elle revisite d’une manière originale, le sujet sans fond du passé, de la famille, des origines et de la fiabilité de la mémoire.

The Hotel on Place Vendôme, de Mazzeo Tilar J. (2014). En gros, il s’agit plus ou moins de l’histoire  du Ritz, depuis la fin du dix-neuvième siècle, mais surtout de ses clients célèbres,  dont Proust, Hemingway, Coco Chanel, Marlene Dietrich, Ingmar Bergman, le duc et la duchesse de Windsor, Arletty, mais c’est également l’histoire de l’occupation allemande, des journalistes de guerre et de bien d’autres choses. L’autrice connaît bien son sujet et le contexte historique entourant des événements particuliers bien documentés. Une façon légère de comprendre l’histoire, un peu dommage que ce livre ne soit pas traduit en français.

Ce que j’ai lu : Jonathan Franzen

Nelson, ete 2022, Sylvie GE

Ce que j’ai lu

Jonathn Franzen, Crossroads. Le plus récent livre de Jonathan Franzen, ne semble pas être traduit en français pour le moment, mais il le sera sûrement bientôt. Cet auteur s’est fait connaître  avec Les Corrections, que j’ai lu il y a plusieurs années et que j’avais fort apprécié. En lisant Crossroads, je me suis d’ailleurs souvenu que j’étais allée à l’une de ses lectures publiques d’un ouvrage dont j’ai oublié le titre, lorsque je vivais à Christchurch, probablement parce que l’événement avait quelque chose de surréel. Très peu probable, comme événement à Christchurch (c’est Auckland qui accueille généralement ce genre de visite),  peu publicisé, je l’avais noté un peu par hasard. Je me suis retrouvée dans une petite salle obscure, avec deux autres personnes (dont probablement sa femme). L’auteur ne se formalisa aucunement de la taille de l’auditoire et s’exécuta, car il savait  peut-être que cette tâche lui permettrait de venir dans l’île du Sud pour y observer les oiseaux, une  de ses grandes passions signifiant, selon mes critères pas du tout scientifiques,  qu’il est un être humain décent (cela étant dit, un sondage récent, mentionné dans The Guardian,  affirme que les observateurs d’oiseaux sont vus comme des gens très ennuyeux, ça ne me dérange pas du tout d’en faire partie, bien qu’en dilettante !).

Evidemment, lorsqu’on lit un livre  qui nous enthousiasme plus particulièrement, le risque d’être déçu par le suivant du même auteur est élevé. Je ne peux pas cependant pas dire que Crossroads de  m’a déçu : il se lit bien et j’en ai lu un passage substantiel tous les soirs avec plaisir. Franzen maîtrise son écriture, ses personnages sont bien campés, ses réflexions  autour d’une famille américaine des années 70, qu’il observe avec acuité et empathie sont pertinentes. J’ai commencé à trouver le temps long après 400 pages, ce qui n’est pas si mal (le livre en a presque 600) car je vois moins le besoin d’écrire de très longs romans à notre époque. Je n’ai cependant pu m’empêcher de comparer ce roman très américain dans sa forme et dans son propos (ce n’est pas un constat négatif) à celui de Karl Ove Knaussgaard, un livre également très long, qui contient des passages ennuyeux que j’ai tout simplement escamotés, mais qui m’a beaucoup plus  troublé que le dernier livre de  Franzen (qui me semble d’ailleurs avoir été influencé par  Knausgaard, dans les descriptions minutieuses de certains moments). La différence entre les deux réside, je crois, dans le fait que Knaussgaard va plus loin dans les retranchements de la littérature, alors que Franzen est très classique dans son approche du roman . L’un n’a pas plus de mérite que l’autre, mais en ce moment, Knausgaard semble m’interpeller davantage que Franzen. A lire tout de même, pour toutes sortes d’autres raisons.

Ce que j’ai lu : Karl Ove Knausgaard : La mort d’un pere

Nelson, hiver 2021, Sylvie GE

Un nouvel auteur, à propos duquel certains affirment qu’il est la découverte du 21e siècle : Karl Ove Knaussgaard, de Norvège, surtout connu pour « Mon Combat » (titre inspiré de « Mein Kampf », mais me semble-t-il sans aucun rapport avec la publication allemande (mais jusqu’à présent je n’ai lu que deux des six volumes sous ce titre)). Je ne sais trop ce qui m’a attisé ma curiosité pour cet auteur, qui a relaté en six volumes, sa vie quotidienne et intérieure sous tous les angles. Il avait auparavant publié d’autres titres  très bien reçus par la critique, couronnés de divers prix, mais c’est « Mon Combat » qui l’a fait connaître mondialement. En principe, une sorte d’autofiction aux saveurs narcissiques n’avait rien pour attirer mon attention. Et pourtant. J’ai d’abord lu « Printemps », qui est je crois son avant-dernier titre, alors que je ne savais pas par lequel commencer (le printemps me semblait plus logique, alors qu’il fallait commencer avec « La mort d’un père », où il relate, sans surprise, la mort de son père, mais également son adolescence et ce, en n’omettant aucun détail). Il y parle autant de détails insignifiants que de moments importants, ce qui fait que certains passages sont ennuyeux (je n’ai pas toujours la patience de lire tous ces passage). L’éditeur le présente comme « un voyage affectif d’une fidélité absolue », une description très juste, à mon avis, de l’adolescence de l’auteur à la mémoire exceptionnelle. Il se rappelle des couleurs, des saveurs, des moments, des bruits avec une justesse qui me dépasse et que je ne saurais sans doute pas reproduire. Au-delà de ce détail littéraire, et même si certains moments sont longs, je ne suis pas certaine de pouvoir mettre le doigt sur la raison précise de ce qui me touche profondément : sa fidélité totale à ses souvenirs, sans complaisance aucune , sa profonde honnêteté ? Je ne trouve chez lui aucun désir de se présenter sous un jour favorable, de s’autofictionner pour se glorifier ou se plaindre, comme on le trouve souvent dans ce genre d’ouvrage. J’ai lu quelques critiques où l’on mentionne qu’on le déteste ou qu’on l’adore, j’imagine assez facilement les deux réactions. Quant à l’auteur lui-même, il a confessé qu’il s’est mis à écrire cette suite, alors qu’il avait de la difficulté à écrire, qu’il l’a d’abord fait pour saisir le moment présent, ce qui se passait dans sa tête, et qu’il n’avait alors aucune intention de publier ce qu’il écrivait et que je crois sans peine compte tenu de ce qu’il projette aux yeux des lecteurs, soit un être humain somme toute assez ordinaire, se démenant dans un monde qu’il ne comprend pas toujours. Ailleurs, il avoue qu’il est un individu rempli de honte, dont il a tenté de se libérer en relatant ce qu’il considérait comme honteux et son écriture, comme une exploration littéraire nouvelle, d’un nouveau genre. Il me semble qu’il a raison et que la littérature, tout comme la poésie (que j’explore très humblement, à ma manière), est toujours en mouvement, d’une manière infiniment mystérieuse et fascinante, dans son désir d’explorer toujours davantage, les profondeurs de l’esprit humain.  Evidemment, son entourage apparaît dans ses livres et n’apprécie pas nécessairement, ce qui a bien sûr conduit à la remise en question de sa version des faits et confirme que tout événement est vécu d’une manière unique. Il doit de surcroît vivre avec ce qu’il a admis avec honnêteté, la possibilité que ses enfants lisent un jour ses livres (pas particulièrement réjouissant). Donc, peut-être à lire ou non, cela dépend vraiment de ce qu’on cherche dans un livre. Quant à moi, j’ai l’intention de continuer à le lire. Pourrai-je me rendre au tome 6 ou non ? A suivre.