
Avoir un festin à bout de bras, juste-là, la richesse des couleurs, la promesse des saveurs, puis lever les yeux et apercevoir l’épée de Damoclès. Tu n’as qu’à tendre la main, mais tu retires ta main, tu préfères la faim.
Avoir un festin à bout de bras, juste-là, la richesse des couleurs, la promesse des saveurs, puis lever les yeux et apercevoir l’épée de Damoclès. Tu n’as qu’à tendre la main, mais tu retires ta main, tu préfères la faim.
Ortigia, Sicile, Italie, Octobre 2016, Canon digital, ©Sylvie G
Marché Ballarò
Les hommes jouent aux cartes
Ortigia (liée à Siracusa par trois ponts) est le cœur historique de Siracusa et j’avoue y avoir passé plus de temps qu’a Siracusa, en partie parce que j’y habitais et que j’avais moins d’énergie mais aussi parce que j’adorais l’atmosphère qui y régnait. J’habite chez Lynette, une Italienne d’adoption qui a quitté l’Afrique du Sud il y a plus de quarante ans. Elle a vécu à Florence pendant une trentaine d’années et est venue s’installer en Sicile après la mort de son mari, pour se rapprocher de la mer. Elle ne savait pas où en Sicile elle voulait vivre, mais aussitôt qu’elle a vu Ortigia, elle a su que c’était là qu’elle s’installerait. Je la comprends. Quel beau mélange d’histoire grecque et italienne, de splendeur architecturale et de beauté naturelle ! L’architecture baroque qui caractérise Siracusa et Ortigia est née de la reconstruction de la ville après le tremblement de terre qui a tout détruit en 1693. Les récents événements en Italie rappellent la longue histoire de l’Italie avec les désastres naturels. On y a trouvé les restes d’un temple grec dédié à Apollon, le seul ou rare exemple de colonnes grecques en une seule pièce. Sur la piazza Duomo, la cathédrale présente un extérieur de style baroque, mais une fois à l’intérieur, on y trouve les colonnes impressionnantes d’un ancien temple grec, dédié à Athena.
Il y a également un marché très vivant, mais lorsque je l’ai visité, mon appareil photo faisait des siennes et je n’ai pas pu prendre de photos. Il s’agit d’un marché authentique, rempli de légumes de la région, imparfaits et pleins de terre. J’ai ensuite réussi à prendre quelques photos en ville, mais ce n’est pas facile de saisir la majesté des édifices avec une seule lentille qui ne peut pas prendre de très grands angles. Il y a peu de touristes et les Siciliens se retrouvent après la sieste dans les nombreux cafés.Les soirées y sont très animées.
Lynette adore l’Italie mais elle a l’impression que le gouvernement délaisse cette partie du monde, ce qui explique entre autres l’état déplorable des transports publics. Elle se baigne tous les jours avec son chien Georges, un très beau basset qui a un mauvais tempérament.
On m’avait prévenue de la non fiabilité des trains régionaux en Italie, mais puisque la décision d’utiliser les transports publics est inébranlable, je tente de prendre le train pour Siracusa.
Plan A : quitter Taormina-Giardini à onze heures (l’agent de voyage a confirmé l’heure et imprimé le ticket), arriver à Siracusa vers 14heures, prendre le bus pour aller à Noto et revenir le samedi soir à Ortigia (tout près de Siracusa) en soirée pour faire un petit tour « en ville ». Le lendemain, aller à Raguzza et à Modica) et visiter Siracusa et Ortigia en profondeur la dernière journée.
Plan B : planifier de quitter Taormina-Giardini à onze heures mais ne quitter Taormina qu’à quatorze heures dix, pour des raisons que je ne suis pas arrivée à comprendre. Attendre le train sur la plateforme un comme le tableau l’indique, puis devoir courir vers la plateforme deux à la dernière minute, avec tous les autres passagers (et vice-versa pour les passagers de la plateforme deux) pour attraper le train qui arrivera à Siracusa à seize heures trente. Enfin, si on doit attendre le train pendant des heures, la gare de Taormina-Giardini est idéale, c’est l’une des plus belles gares de trains que j’aie jamais vues, avec vue sur mer. A chaque fois qu’un train arrive, un passager ou deux est expulsé par trois gendarmes armés (toujours élégants). On pourrait croire que le passager expulsé sera couvert de honte, mais chaque expulsion est suivie d’une discussion mouvementée nourrie par le passager qui semble croire qu’il a tout à fait le droit d’être dans le train. Un autre passager hurle dans un téléphone (on sait après quelques minutes qu’il n’y a personne à l’autre bout du fil) en attendant son train, pendant une bonne heure.
Lynette est compréhensive et ne me reproche pas mon retard. Je suis tout de suite séduite par Ortigia. Le petit studio est tout à fait étrange, dans une rue, où l’on entend tout ce qui se passe chez les voisins. Dans cette partie du monde, on n’a guère le choix de vivre sa vie plus ou moins en public. Quoi qu’il en soit, il est trop tard pour Noto. Lynette ajoute qu’il n’y a pas de bus le dimanche. Je suis déçue, mais je suis en faveur d’une journée de congé pour les travailleurs et je trouve sympa que la Sicile ne cède pas (pour le moment) aux attentes des touristes, mais cela signifie que Ortigia, qui devait servir de point de départ pour de nombreuses visites, ne remplira pas tout à fait son but. Pour comble de malheur, je suis plus ou moins paralysée le lendemain par un mauvais rhume (air climatisé dans le train vers Taormina) et je sors a peine. En fin de compte je ne verrai que Siracusa et Ortigia, mais j’ai adoré cette visite.